La liberté d’expression est un principe essentiel garanti par l’article 11 de la DDHC.
En application de ce principe, tout salarié peut librement exprimer ses opinions personnelles et notamment sur l’organisation de l’entreprise, son fonctionnement, ses conditions de travail et son management.
Cette liberté d’expression s’applique tant en dehors que sur le lieu de travail ou pendant le temps de travail.
Dans cette article, notre cabinet d’avocats en droit du travail revient sur cette notion et analysons le nouvel arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 2025 (n°24-13.794)
Entre liberté d'expression et abus
La reconnaissance de la liberté d’expression du salarié est large.
Seul un abus de la liberté d’expression pourrait faire l’objet d’une sanction pouvant aller jusqu’à une rupture du contrat de travail pour faute grave. A défaut d’abus, le droit du salarié est protégé et toute sanction serait nulle.
L’abus de la liberté d’expression est caractérisé en présence de propos insultants, injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Ainsi, ce sont les juges du fond qui, au cas par cas, apprécient si les propos tenus relèvent de la liberté d’expression ou sont constitutifs d’un abus :
- Critiques, même vives, de la nouvelle organisation de la Société = liberté d’expression (Cass. Soc, 14 décembre 1999, 97-41.995)
- Propos réitérés d’un journaliste dont l’effet a été la banalisation des violences faites aux femmes dans le contexte #Metoo = abus de la liberté d’expression (Cass. soc, 20 avril 2022, n°20-10.852)
- Propos hostiles d’un salarié à l’encontre d’un membre de la Direction chargé de mener une réorganisation critiquée par le même salarié = liberté d’expression (Cass. soc, 14 février 2024, n°22-17.332)
- Propos tenus par une salariée à une collègue en parlant de la Direction et indiquant que : « ils n’étaient là que pour leur profit, ne pensaient qu’à « choper un maximum d’adhérentes » et n’étaient que des vicieux » = abus de la liberté d’expression dans la mesure où ces propos ne sont pas vérifiés (Cass. soc, 20 mars 2024, n°22-14.465)
- Propos, en public, d’une salariée d’un cabinet médical remettant, sans fondement, en doute la compétences du médecin et prétendant qu’il ne respecte pas les conditions d’hygiène sans que ces propos ne soient vérifiés = abus de la liberté d’expression (Cass. soc, 7 octobre 1997, n°93-41.747)
contexte des propos et circonstances aggravantes
En plus de la teneur des propos eux mêmes, le contexte joue également un rôle important pour définir si la liberté d’expression joue ou si le licenciement pour faute grave est envisageable.
Ainsi, des propos, même injurieux, peuvent ne pas constituer une faute grave dans le cas où ils sont tenus sur un groupe Facebook, fermé et uniquement accessible à un cercle restreint de personnes (Cass. Soc, 12 septembre 2018, 16-11.690).
L’arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 2025 (Cass. soc, 13 novembre 2025, n°24-13.794) est une nouvelle illustration de l’importance de la prise en compte du contexte avant de prononcer un licenciement pour faute grave du salarié.
Dans cet arrêt, l’entreprise propose à son salarié, préparateur physique, un changement d’affectation. Le salarié le refuse et, pendant un entretien avec le Directeur Général et le Président, tient des propos insultants (« Salopard ») et menaçants (référence à la loi du talion, oeil pour oeil).
Le salarié est licencié pour 3 motifs : le refus du changement d’affectation, l’enregistrement de la conversation par le salarié à l’insu de la Direction et les propos insultants et menaçants.
La décision : La Cour d’appel et la Cour de cassation rendent une décision en deux temps :
– Les propos insultants et menaçants sont ici excessifs et dépassent la liberté d’expression. Ces propos sont fautifs.
– MAIS, au vu du contexte (tenus dans un bureau fermé et en réaction à un changement d’affectation contesté), ils ne peuvent pas être considérés comme faute grave.
💡 Ce qu’il faut retenir :
Le licenciement se basant sur des propos tenus par un salarié est de plus en plus encadré. Afin que le licenciement soit sécurisé, il convient de vérifier que :
* Les propos excèdent la liberté d’expression (ici c’était le cas)
* ET que le contexte dans lequel ils sont tenus est source de « circonstance aggravante ».


